Introduction
L’agent occupe, dans la pensée économique contemporaine, une place centrale. L’examen de ses motivations et de son comportement, la façon dont il forme ses décisions, opère ses choix, l’analyse du cadre moral, social, économique et politique dans lequel il agit, de la façon dont ses croyances influent, non seulement sur sa prise de décision, mais aussi sur la manière dont il va acquérir l’information nécessaire à la prise de décision, ou encore des biais qui affectent son comportement (préférences, émotions, désirs, pressions sociales), occupent une grande place dans la pensée économique contemporaine. Nous examinerons ici deux problèmes centraux, celui de l’intérêt et celui de la rationalité de l’agent. Pour ce faire, nous nous appuierons en particulier sur trois auteurs : Adam Smith, Friedrich Hayek et Jon Elster, qui ont chacun proposé des théories explicatives du comportement de l’agent, ou remis en question les explications traditionnelles du comportement de l’agent en renouvelant la théorie de l’homme économique, ou en réfutant certains de ses postulats.
 
La théorie « standard » de l’agent
Dans la littérature économique classique et néoclassique, de l’Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations1 d’Adam Smith à Droit, législation et liberté de Friedrich Hayek, l’agent est présenté comme intéressé et rationnel. Dans cette optique, les économistes classiques ont développé une série de théories sur le comportement microéconomique de l’agent et la relation entre ce comportement et les agrégats macroéconomiques (le marché en particulier, lieu d’interaction entre les agents), que ce soit dans le cadre d’un modèle « libéral », d’un modèle « régulationniste » ou d’un modèle « dirigiste ». Nous envisagerons ici la question dans le cadre d’un marché concurrentiel libre, que Friedrich Hayek caractérise comme un système économique à fins ouvertes, c’est-à-dire au sein duquel les fins ne sont pas déterminées ex ante par une quelconque forme de gouvernement, mais où chaque agent détermine lui-même, librement et à titre individuel, la fin qu’il poursuit, ceci car les fins particulières poursuivies par chaque agent ne sont pas connaissables ex ante par une autorité centrale (l’État en particulier) : laisser le champ ouvert aux agents est donc, d’après Hayek, la meilleure méthode de coordination des actions particulières d’agents qui ne se connaissent pas tous entre eux, ce qu’il rend par l’expression d’ordre spontané.
Hayek ajoute, en faisant implicitement référence à l’idée de destruction créatrice développée par Joseph Schumpeter dans Capitalisme, socialisme et démocratie, que le marché pousse chaque agent à adopter un comportement rationnel dans la poursuite de son intérêt, en ce que les changements de situation sur le marché induisent la perte d’une position favorable pour certains, tandis que d’autres y gagnent une meilleure position2. Les changements de situation économique, par exemple l’innovation technologique, modifient les coûts de production d’un bien, ou diminuent la quantité de travail nécessaire pour cette production, ce qui affecte d’une part l’emploi (licenciements), et d’autre part le prix de marché : par ce processus, le bien initialement produit à un prix élevé devient moins cher sur le marché, ce qui favorise le glissement de la consommation vers le produit au prix le moins élevé. Les producteurs concurrents, s’ils désirent conserver leur clientèle, doivent adopter un comportement rationnel, en vue d’abaisser leurs coûts de production, ce qui rééquilibre la concurrence.
C’est dans ce cadre général que s’inscrit la « théorie standard » de l’agent, dans laquelle ce dernier est à la fois intéressé et rationnel. En première approximation, on peut considérer que l’intérêt est premier, en posant que l’agent a intérêt à être rationnel (c’est, au demeurant, l’une des idées développées par Hayek). Dans cette optique, c’est l’intérêt qui est central ; adopter un comportement rationnel est une condition médiate pour arriver à ses fins. La théorie du choix rationnel, selon laquelle chaque agent choisit rationnellement, dans la gamme des actions qu’il peut effectuer, celle dont il espère qu’elle maximisera ses gains (et non pas forcément, pour des raisons que nous étudierons plus loin, celle qui maximisera effectivement ses gains), est fondée sur cet ensemble théorique.
Se posent alors en particulier les problèmes de l’information, qui est centrale dans le choix de l’action à effectuer, et, pour reprendre le terme proposé par Amartya Sen3, des capabilités (capabilities), qui déterminent l’étendue du champ des possibles de chaque agent. Bien que ce dernier problème soit central dans les développements les plus récents de l’économie du développement et de l’économie du bien-être, nous ne l’étudierons qu’à la marge, en tant que les capabilités d’un agent modifient son comportement en rendant telle ou telle action plus ou moins intéressante pour lui. Nous nous concentrerons sur le problème de l’information, qui permet à l’agent de déterminer le meilleur comportement à adopter, mais dont l’acquisition peut être coûteuse. Hayek retient, comme information la plus pertinente et la plus accessible, le prix, qui, d’après lui, synthétise les informations les plus pertinentes disponibles pour les agents4. Nous verrons que, bien que le prix constitue en première approximation une synthèse efficace des informations disponibles sur le marché, l’information qu’il fournit est en réalité très limitée, et que la plus grande partie des agents exploitent d’autres informations, et appuient leurs décisions sur d’autres facteurs (notamment leurs croyances ou leurs convictions morales, qui peuvent les mener, ainsi que le suggère Amartya Sen dans « Les droits et la question de l’agent », section « La relativité par rapport à l’agent » in Éthique et économie, à refuser un emploi s’il leur apparaît que l’employeur poursuit des fins que l’agent juge immorales).
Nous ne traiterons toutefois pas ces problèmes, ni les autres problèmes auxquels nous serons confrontés, directement, mais par le biais des deux postulats centraux de la théorie « standard » de l’agent, l’intérêt et la rationalité, suivant en cela l’articulation du Traité critique de l’homme économique5 de Jon Elster. Les problèmes de l’information ou des motivations des agents d’une part, de l’intérêt et de la rationalité d’autre part, se recoupent en de nombreux points, à partir desquels nous examinerons les interactions complexes entre ces questions, en nous appuyant largement sur trois approches différentes, mais non entièrement opposées : celle d’Adam Smith dans son Enquête sur les causes et la nature de la richesse des nations, celle de Friedrich Hayek dans Droit, législation et liberté, et celle de Jon Elster dans les deux volumes de son Traité critique de l’homme économique.
 
Remise en question de la théorie « standard » de l’agent
Bien que Hayek inscrive sa pensée dans la filiation des économistes néoclassiques, son approche du comportement de l’agent a ceci d’original qu’il remet en question la rationalité, en soutenant que les imperfections, aussi bien dans l’information disponible que dans l’exploitation de cette information par l’agent, biaisent ses décisions. C’est tout l’enjeu de l’information de prix, car, s’il n’est que rarement possible d’obtenir une information parfaite, le prix constitue, selon Hayek, une information synthétique, à l’usage de tous les agents présents sur le marché, et ce même si chacun n’a pas connaissance de toute l’information dont il pourrait avoir besoin. Les biais tels que l’asymétrie d’information seraient donc corrigés, au moins partiellement, par l’information de prix.
En revanche, Hayek conserve l’idée que l’agent agit par intérêt (que ce soit à titre individuel ou à titre collectif), et que ses motivations sont intéressées. Ayn Rand le suit en cela dans La Vertu d’égoïsme, en suggérant que même certaines actions qui paraissent désintéressées sont en vérité guidées par l’égoïsme de l’agent, et défend une position qu’elle qualifie d’« égoïsme rationnel », qui recoupe en grande partie l’ensemble des motivations que Jon Elster réunit sous le terme d’égocentrisme, y incluant les comportements altruistes déterminés par des motivations égoïstes. Il cite, en ce sens, une des lettres que le Vicomte de Valmont adresse à la Marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, dans laquelle celui-ci explique le stratagème qu’il a élaboré pour duper la Présidente de Tourvel, et le plaisir inattendu qu’il a ressenti à faire le bien (duquel il tire l’idée que les « gens vertueux » qui adoptent un comportement altruiste pourraient n’être pas motivés par leur seule vertu, mais par le plaisir qu’ils tirent des louanges que leur vaut leur altruisme). Elster nomme cela « effet Valmont » en référence aux Liaisons dangereuses, c’est-à-dire le cas où il va de l’intérêt de l’agent d’adopter un comportement altruiste pour parvenir à la fin intéressée (ici, séduire la Présidente de Tourvel) qu’il s’est donnée.
Elster distingue les comportements désintéressés d’après leurs motivations, intéressées ou désintéressées (ce qui permet d’amener l’idée d’un altruisme instrumental, tel que l’altruisme dont fait preuve Valmont dans la lettre citée à plusieurs reprises par Elster dans Le désintéressement), et reprend dans le même temps l’observation de Kant, qui souligne dans les Fondements de la Métaphysique des mœurs qu’il n’est pas possible de connaître empiriquement les motivations réelles d’une personne, suggérant qu’il peut y avoir disjonction entre comportement et motivation. Elster revient, à partir de cette disjonction possible, sur l’herméneutique du soupçon qui caractérise d’après lui nombre d’économistes contemporains, c’est-à-dire la tendance à expliquer les comportements désintéressés par des motivations intéressées, et part de cela pour examiner en détail les modes d’application de cette herméneutique du soupçon, en exploitant en particulier les données fournies par la psychologie expérimentale et la théorie des jeux en économie, mais aussi en puisant largement dans la littérature, dans la philosophie morale et politique classique et moderne, de Descartes à Tocqueville, dans les archives parlementaires du temps de la Révolution française, et dans les écrits et la correspondance d’hommes politiques français et américains (principalement des XVIIIe et XIXe siècles).
 
Le conditionnement du comportement dans la théorie « standard »
L’agent est, dans la théorie « standard », à la fois intéressé et rationnel, ainsi que nous l’avons signalé dans l’introduction. L’intérêt est traditionnellement conçu comme le moteur de l’action, ce qui motive l’agent à agir comme il le fait ; la rationalité est une condition de succès (un comportement irrationnel est supposé nuire à l’agent, ou encore être contraire à son intérêt). Les deux notions se recoupent, de fait, en de nombreux points. L’agent a intérêt à adopter un comportement rationnel, ou, sous une forme plus tautologique, il est de l’intérêt d’un agent rationnel d’adopter un comportement rationnel. Toutefois, nous examinerons la question de l’intérêt séparément, avant de la replacer sous la condition de rationalité, ceci afin de ne pas brouiller notre propos.
L’intérêt comme moteur de l’action
C’est à Adam Smith que l’on doit, dans son Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, la formulation la plus célèbre de la théorie de l’agent intéressé :
 
Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais du soin qu’ils portent à leur propre intérêt. Nous ne nous adressons par à leur humanité, mais à leur amour-propre, et ne leur parlons jamais de nos propres nécessités, mais de leurs avantages.6
 
Toutefois, d’autres écrits de Smith nous indiquent qu’il ne tient pas l’agent pour foncièrement égoïste. Ce propos s’inscrit dans une théorie plus large de l’échange, que Hayek nomme catallaxie, et du marché, sur lequel ont lieu de multiples échanges, et qui, en coordonnant les actions individuelles de milliers d’agents, produit une « harmonie » qui n’est pas due ni à la bienveillance des agents, ni à la volonté d’un agent en particulier. La « main invisible » est le processus par lequel chaque agent contribue involontairement, et dans une mesure qu’il ignore, au bien commun ; autrement dit, lorsque l’agent règle sa conduite sur son intérêt propre, il participe à l’intérêt collectif, ainsi que Smith l’expose plus loin dans la Richesse des nations :
 
De façon générale, [l’agent7]ne travaille pas en vue du bien public, ni ne sait en quelle mesure il y contribue. En préférant faire appel à l’industrie nationale plutôt qu’à l’étrangère, il ne vise qu’à sa propre sécurité ; et en dirigeant cette industrie de telle sorte que son produit puisse être de la plus grande valeur, il ne vise qu’à son propre gain, et il est en cela, comme en bien d’autres matières, conduit par une main invisible à œuvrer pour une fin qui n’entrait nullement dans ses intentions. […] En se réglant sur son propre intérêt, il contribue souvent bien mieux à celui de la société que lorsqu’il y vise réellement.8
 
La « main invisible » est ce qui permet, chez Smith, de passer de l’intérêt individuel à l’intérêt collectif. Ce dernier n’est pas la fin visée par chacun des agents, mais le résultat involontaire de leurs actions individuelles. Smith pose, d’une part, l’idée qu’il y a concordance entre intérêt individuel, ou privé, et intérêt commun, ou public, et d’autre part l’idée qu’il y a identité entre les motivations et le comportement. Le comportement du boucher, du brasseur ou du boulanger est intéressé, en ce que leur motivation est intéressée.
Il convient de souligner ici que, sur le plan moral, Smith ne conçoit pas les motivations intéressées comme des vices. En cela, il s’oppose à la fois à Bernard Mandeville et à Kant ; au premier car il pose dans La Fable des Abeilles que « les vices privés font le bien public », et au deuxième, d’une part car il réfute l’idée qu’une motivation intéressée est proprement morale, et d’autre part car il souligne qu’il est souvent impossible de dire si un comportement moral découle d’une motivation morale ou d’une motivation intéressée.
Ainsi, il explique dans la première section des Fondements de la Métaphysique des mœurs que :
 
Être bienfaisant, quand on le peut, est un devoir, et de plus il y a certaines âmes si portées à la sympathie, que même sans aucun autre motif de vanité ou d’intérêt elles éprouvent une satisfaction intime à répandre la joie autour d’elles et qu’elles peuvent jouir du contentement d’autrui, en tant qu’il est leur œuvre. Mais je prétends que dans ce cas une telle action, si conforme au devoir, si aimable qu’elle soit, n’a pas cependant de valeur morale véritable, qu’elle va de pair avec d’autres inclinations, avec l’ambition par exemple qui, lorsqu’elle tombe heureusement sur ce qui est réellement en accord avec l’intérêt public et le devoir, sur ce qui par conséquent est honorable, mérite louange et encouragement, mais non respect ; car il manque à la maxime la valeur morale, c’est-à-dire que ces actions soient faites, non par inclination, mais par devoir.9
 
Kant pose ici l’autonomie de la morale, en tant que la morale ne découle que d’elle-même, et non de l’intérêt. Là où Smith pose que l’agent, en se réglant sur son intérêt, est vertueux au sens où le résultat des multiples actions effectuées par la multitude d’agents est bénéfique. Dans l’optique d’une morale autonome (qui ne découle d’aucune autre motivation que le devoir au sens kantien), cela n’est pas acceptable. Kant prend pour exemple, deux paragraphes plus haut, un marchand qui pratique les mêmes prix pour tous ses clients : bien que son comportement soit conforme au devoir, il n’est pas possible de déterminer si le marchand l’a adopté « par devoir et par des principes de probité » ou par intérêt, car il y a ici identité entre comportement moral et intérêt (le marchand a intérêt à être perçu comme honnête).
Mandeville, de son côté, réfute l’identité entre intérêt et vertu, et suggère que le bien public découle des vices privés. Il part en fait de la question morale de la vertu pour arriver à la question économique, et pose l’idée que les comportements individuels moralement condamnables engendrent le bien public, là où la conformation à la vertu causerait la chute de la société qui adopterait ce comportement. Sa thèse principale, exposée dès la préface, puis développée dans la fable elle-même (« La ruche mécontente, ou les coquins devenus honnêtes ») et dans les remarques qui la complètent et la commentent, est celle-ci :
 
Ce qui fait de l’homme un animal sociable, ce n’est pas son désir d’être en compagnie, sa bonté, sa pitié, son amabilité et autres grâces et ornements extérieurs, mais que ce sont ses qualités les plus ignobles et les plus abominables qui constituent les talents les plus indispensables pour pouvoir vivre dans les sociétés les plus étendues et, si l’on en croit l’opinion générale, les plus heureuses et les plus prospères10.
 
Toutes ces approches, bien que reposant sur des théories morales différentes, ont ceci de commun qu’elles affirment que l’agent est guidé par son intérêt, ou du moins, si l’on suit Kant, qu’il est souvent impossible de déterminer si l’agent est guidé par son intérêt ou s’il agit par devoir, attendu qu’il n’est pas possible, selon lui, de vérifier l’identité entre comportement moral (le marchand vend au même prix à tous ses clients « par devoir et par des principes de probité ») ou en se réglant sur son intérêt.
 
Un système à fins ouvertes non-déterminées
Hayek, tout en reprenant à Smith l’idée que l’agent est conduit, en se réglant sur son propre intérêt, à contribuer involontairement au bien commun, soutient que ce qui fait la force du marché est qu’il s’agit d’un système à fins ouvertes. « Le grand avantage de l’ordre spontané du marché, explique Hayek, est d’être seulement uni par les moyens et de rendre ainsi inutile l’accord sur les objectifs11 ». Chaque agent poursuit, selon Hayek, des fins particulières « inconnues » (au sens où il n’existe, d’une part, aucune autorité centrale omnisciente pour centraliser l’information, et où, d’autre part, chaque agent est ignorant des fins particulières poursuivies par les autres agents), intéressées et visant au premier chef à son propre gain. Hayek, en cela, suit Smith, tout en le complétant. Ce qui, suivant Hayek, fait la force du marché, c’est que, bien que les agents soient ignorants de la plus grande partie des motivations des autres agents et de la plus grande partie de l’information qui serait nécessaire à la formation de leurs choix et à leurs prises de décision, le « jeu de catallaxie » permet de coordonner les fins particulières de la multitude d’agents qui s’ignorent mutuellement, participant ainsi à la formation de la « Grande Société » ou « Société ouverte ». Il explique ainsi la formation d’une « Grande Société » par la conformation, non à une visée commune, mais à des principes abstraits d’action, tandis que les agents sont mutuellement ignorants des fins particulières poursuivies par chaque autre agent :
 
Nous sommes en général peu conscients à quel degré nous sommes guidés dans nos plans d’action par la connaissance, non pas de faits concrets déterminés, mais de certains types de conduite qui sont « appropriés » dans certains types de circonstance – non parce que ce sont des moyens pour des résultats spéciaux désirés, mais parce que ce sont des limites à ce qu’il nous est loisible de faire sans bouleverser un ordre sur l’existence duquel nous comptons tout en décidant de nos actes.
[…] En un sens, il est certes évident que ce qui peut être commun aux vues et opinions des gens qui sont membres d’une Grande Société doit être général et abstrait.
[…]
Ce qui rend les hommes membres de la même civilisation, et les met à même de vivre ensemble pacifiquement, c’est que, dans la poursuite de leurs fins propres, les mobiles particuliers du moment qui déclenchent leurs efforts vers des résultats déterminés sont guidés et contenus par les mêmes règles abstraites.12
 
Le comportement de l’agent est, pour Hayek, libre au sens où chacun détermine librement les fins particulières qu’il poursuit, sans que ces fins lui soient dictées par aucune autorité ni gouvernement, et conditionné au sens où l’agent se doit de suivre des règles générales et abstraites, qui ne déterminent pas des fins particulières mais les moyens que l’agent peut mettre en œuvre pour parvenir à ses fins.
Il ressort des observations qui précèdent que le comportement de l’agent est, dans la théorie « standard », à la fois libre et intéressé à une échelle microéconomique, et bénéfique pour la collectivité à une échelle macroéconomique (Smith n’opère pas la distinction en ces termes, dont l’emploi ne fut généralisé qu’au XXe siècle).
 
La condition de rationalité
L’intérêt, s’il permet d’éclaircir les motivations et le comportement de l’agent, ne suffit pas à expliquer le fonctionnement du marché. Il faut lui adjoindre la rationalité, qui, sans déterminer les fins particulières des agents, conditionne leur comportement au sens où il est nécessaire d’adopter un comportement rationnel sur un marché concurrentiel. Sous cette condition, l’agent est supposé adopter un comportement qui lui permettra de parvenir à ses fins. Hayek souligne que la rationalité n’est « pas une prémisse de la théorie économique », mais la résultante du fonctionnement du marché concurrentiel :
 
La thèse fondamentale de la théorie est […] que la concurrence est ce qui oblige les gens à agir rationnellement pour pouvoir subsister. Elle se fonde non pas sur la supposition que la plupart des participants au marché, ou même tous, sont rationnels – mais au contraire sur l’idée que ce sera généralement à travers la concurrence qu’un petit nombre d’individus relativement plus rationnels mettront les autres dans la nécessité de devenir leurs émules en vue de prévaloir. Dans une société où un comportement rationnel confère à l’individu un avantage, des méthodes rationnelles seront progressivement élaborées et se répandront par imitation.13
 
De fait, la rationalité, chez Hayek, n’est pas fondatrice du processus de marché, mais elle en est le résultat et la condition de fonctionnement. Bien qu’il ne le cite pas directement, Hayek reprend à son compte l’analyse développée par Schumpeter dans Capitalisme, socialisme et démocratie, où ce dernier propose une analyse du capitalisme en termes de destruction créatrice, inscrivant l’analyse économique dans le temps long, et non dans l’observation immédiate de la situation présente :
 
[…] Le contenu des budgets ouvriers, disons de 1760 à 1940, n’a pas simplement grossi sur la base d’un assortiment constant, mais il s’est constamment modifié du point de vue qualitatif. De même, l’histoire de l’équipement productif d’une ferme typique, à partir du moment où furent rationalisés l’assolement, les façons culturales et l’élevage jusqu’à aboutir à l’agriculture mécanisée contemporaine – débouchant sur les silos et les voies ferrées, – ne diffère pas de l’histoire de l’équipement productif de l’industrie métallurgique, depuis le four à charbon de bois jusqu’à nos hauts fourneaux contemporains, ou de l’histoire de l’équipement productif d’énergie, depuis la roue hydraulique jusqu’à la turbine moderne, ou de l’histoire des transports, depuis la diligence jusqu’à l’avion. L’ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l’atelier artisanal et la manufacture jusqu’aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d’autres exemples du même processus de mutation industrielle – si l’on me passe cette expression biologique – qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donné fondamentale du capitalisme […].14
 
Hayek reprend largement cette analyse, en soulignant qu’un changement de situation sur le marché, s’il représente un bénéfice « global », se traduit souvent par des pertes pour certains groupes, tandis que d’autres groupes y trouvent leur avantage. Schumpeter introduit, sans s’y attarder, l’idée d’une rationalisation de la production, en appliquant cette approche à l’agriculture : « à partir du moment où fut rationalisé l’assolement ». Bien que l’idée n’apparaisse ici qu’à la marge, elle est extrêmement importante, et extensible à tous les domaines de la production économique. Schumpeter n’entend pas ici suggérer que les techniques anciennes ne fussent pas rationnelles ; seulement des techniques et des outils nouveaux permettent d’améliorer la productivité (la quantité de biens produite par unité de temps, qu’il s’agisse de produits agricoles ou d’automobiles), ce qui diminue les coûts de production tout en améliorant, d’après Schumpeter (et Hayek le suit sur ce point) la condition de vie des producteurs, qui bénéficient à la fois des techniques nouvelles de production, mais aussi d’un revenu plus élevé. Un agent rationnel est, suivant Schumpeter et Hayek, avantagé relativement aux autres agents, ce qui provoque une modification plus ou moins profonde des conditions du marché. Il faut souligner ici que, suivant Schumpeter, l’amélioration des techniques de production permet au marché d’atteindre une situation optimale à un moment donné, mais que cette situation est appelée à être dépassée ; une situation optimale à un moment t0 devient, de fait, sous-optimale au moment t1. La rationalité, chez Schumpeter et plus encore chez Hayek, n’est pas absolue, mais relative à un moment économique. Un agent relativement plus rationnel acquiert un avantage relatif et provisoire ; et la rationalité n’est pas tournée vers elle-même exclusivement, mais associée aux techniques de production, qui changent au cours du temps. Une technique ou un procédé rationnels ne le sont pas simplement dans l’absolu, mais relativement à d’autres techniques ou procédés, qui ne peuvent évidemment être employés qu’à partir du moment où ils sont connus. Ainsi, les techniques agricoles dont parle Schumpeter n’étaient pas irrationnelles avant la « rationalisation de l’assolement, des techniques culturales et de l’élevage », mais la découverte ou l’invention de nouvelles techniques, relativement plus rationnelles que les anciennes, ont permis d’améliorer la productivité agricole ; le même principe vaut pour la production artisanale ou industrielle, et même pour les services : dans l’optique de Schumpeter, le supermarché est relativement plus rationnel que le petit commerce, car il permet à un personnel moins nombreux de servir un plus grand nombre de clients, tout en réalisant des économies d’échelle qui, si elles réduisent la marge bénéficiaire réalisée sur chaque produit, génèrent des bénéfices supérieurs, du simple fait que le supermarché vend une plus grande quantité de biens que le petit commerce.
On voit bien là ce qui relie, dans la théorie « standard », intérêt et rationalité. Si l’on postule que l’agent est intéressé, alors il va de son intérêt d’être relativement plus rationnel que ses concurrents sur le marché, afin de réaliser un gain supérieur, ce qui pousse, en théorie, l’ensemble des agents à adopter un comportement similaire pour subsister en milieu concurrentiel, voire à adopter un comportement relativement plus rationnel encore.
 
Quelle éthique ?
La combinaison intérêt-rationalité, telle que nous l’avons exposée jusqu’ici, laisse ouverte la question des règles éthiques auxquelles se conforme l’agent. Nous avons vu, dans la section « L’intérêt comme moteur de l’action », les raisons qui poussent Mandeville et Smith à valoriser la poursuite de fins intéressées sur le plan moral. Au-delà de leurs divergences, elles ont en commun la valorisation des comportements intéressés, non d’après une morale autonome au sens kantien, mais d’après leur résultat bénéfique. Si Mandeville propose le paradoxe des « vices privés qui font le bien public » là où Smith opère le chemin inverse, jugeant que ce qui contribue au bien public est vertueux parce que contribuant au bien public, elles posent toutes deux l’idée que les comportements intéressés, qu’ils soient qualifiés de « vices » (Mandeville) d’après une morale autonome, ou de « vertus » (Smith) d’après leur résultat bénéfique, sont valorisables au vu du résultat involontaire qu’ils produisent. Smith résout, à sa façon, le paradoxe posé par Mandeville, en soulignant la coexistence de deux formes générales de morale, la morale « austère » et la morale « libérale ». Bien que les tenants de l’une jugent ceux de l’autre immoraux, tandis que les seconds ne se conforment guère à la morale « austère » et valorisent comme moralement bon leur propre comportement :
 
Dans chaque société civilisée, dans chaque société où la distinction des rangs a été un jour entièrement établie, il y a toujours eu deux modèles ou systèmes de moralité fonctionnant simultanément ; nous pouvons qualifier l’un d’entre eux de strict ou d’austère ; l’autre de libéral, ou, si vous voulez, de relâché. Le premier est généralement admiré et révéré par les hommes du commun, tandis que le second est habituellement plus estimé et adopté par ceux que nous appelons les gens maniérés. Le degré auquel nous devrions désapprouver les vices de légèreté, les vices qui sont à même de naître dans la grande prospérité, et de l’excès de gaieté et de joyeux tempérament, semble constituer la principale distinction entre ces deux modèles ou systèmes opposés.15
 
La résolution par Smith du paradoxe de Mandeville tient à l’opposition entre deux « modèles ou systèmes de moralité », là où Mandeville n’envisageait la morale que d’après les conceptions traditionnelles de la « vertu », entendue comme tempérance ou modération. La morale, telle que décrite par Smith, est relative à la situation sociale de l’agent, sans être une morale ni entièrement relativiste, ni proprement subjectiviste. Smith n’exclut pas la possibilité qu’une personne « maniérée » (au sens d’aristocrate, ou de mondain) adopte la morale « austère », et il souligne dans la suite du paragraphe que chacun des deux grands systèmes de moralité qu’il expose a ses avantages pour la classe qui l’adopte. Il ne s’agit ni d’une morale proprement relativiste, puisque la relation entre système moral et classe sociale est assez étroite, ni d’une morale universelle au sens kantien, puisque le système de moralité est relatif à la classe sociale. À cela, Kant oppose une morale universelle et autonome : la morale, suivant Kant, n’est relative ni à la classe sociale, ni à aucune motivation extérieure. Un comportement proprement moral se fonde sur l’idée de devoir, et non sur la fin intéressée que l’on se donne.
Bien qu’elle jugeât Kant en des termes très négatifs, Ayn Rand reprend partiellement cette approche, en prônant l’idée d’un « égoïsme rationnel ». Elle opère en quelque sorte une synthèse entre Smith et Kant, en défendant à la fois l’idée d’un agent intéressé (et égoïste, au sens où il n’agit pas par altruisme) et l’idée que l’homme, si l’on reprend l’expression de Kant,
 
existe comme une fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ses actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d’autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme une fin.16
 
Ayn Rand, se fondant sur l’idée que la vie de l’homme en tant qu’homme est la source de l’éthique, présente ainsi son « éthique objectiviste » :
 
Voilà la signification de [l’éthique] : ce qui est requis pour la survie de l’homme en tant qu’homme. Il ne s’agit pas d’une survie momentanée ou simplement physique. […] « La survie de l’homme en tant qu’homme » signifie les exigences, les méthodes, les conditions et les objectifs pour la survie d’un être rationnel en fonction de l’ensemble de la durée de sa vie, et en tenant compte de tous les aspects de son existence qui sont susceptibles de choix.
[…]
L’éthique objectiviste considère la vie de l’homme comme le fondement de toute valeur, et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu.17
 
Rand souligne que cette formation de la valeur éthique, si elle est individuelle, n’est pas subjective, c’est-à-dire que, bien que chaque homme n’ait pour but (ou ne doive avoir pour but) que sa propre vie, il doit en même temps traiter chaque autre homme en postulant qu’il a le même but, et de fait n’a aucun droit à l’asservir. Si, pour Rand, seul l’individu est susceptible de fonder une éthique (elle considère que tout ce qui relève du « social » ou du « collectif » n’a aucun fondement), cela ne se transpose à aucun moment en subjectivité. Elle propose, pour rendre cette idée, le terme d’égoïsme rationnel. L’agent se caractérise à la fois, comme individu, par son égoïsme, et comme humain, par sa rationalité. Rand, qui refuse toute motivation altruiste, affirme que chaque individu n’œuvre qu’à son propre bénéfice, tout en demeurant rationnel, c’est-à-dire, dans la perspective randienne, en traitant chaque autre individu comme son égal en tant qu’homme.
 
De l’individu « atomique » à la société
On peut parler d’une approche « atomiste » de l’agent au sens où Rand réfute l’idée que la société serait autre chose que la somme de ses parties (les individus). Elle pousse l’individualisme, posé par Smith et Hayek, jusqu’au point le plus extrême, et met de fait involontairement à nu les faiblesses de la théorie de l’agent strictement individualiste en traitant le problème qu’elle se donne de façon élégante, mais souvent assez superficielle. Rand envisage l’individu hors du « monde social » qui lui permet d’exister comme tel, poussant l’approche de Smith jusqu’à la contredire : pour Smith, en effet, l’individu, bien qu’intéressé, ne prend de sens qu’au sein d’un « tout » qui lui permet de jouir des commodités de la vie, en particulier du fait de la division du travail. Chacun n’a a accomplir qu’un petit nombre de tâches, ce qui permet à tous d’accomplir une plus grande diversité de tâches que si chaque individu devait s’occuper de tous les aspects de sa propre vie, tout en favorisant des pratiques d’échange et de collaboration.
Si Smith expose en premier lieu la division technique du travail, en parlant dès le premier chapitre du livre I de son Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations de la division des tâches au sein d’une manufacture d’épingles, cette approche est extensible à l’ensemble de la société. Chacun, plutôt que d’accomplir l’ensemble des tâches nécessaires à sa subsistance (confection de vêtements, chasse, cuisine, culture de la terre), accomplit un petit nombre de tâches ; ainsi, un petit nombre de laboureurs peuvent produire assez pour nourrir tous les habitants d’un village, qui peuvent user du temps ainsi libéré pour accomplir d’autres tâches, jusqu’à l’échelle que Hayek nomme « Grande Société » au sein de laquelle les interactions économiques dépassent l’échelle du village, et forment une « société » ou chacun est inconnu à la plupart de ses semblables, tout en leur étant utile, non par volonté de l’être, mais parce que son travail, ainsi que le dit Smith, le fait « œuvrer pour une fin qui n’entrait nullement dans ses intentions ».
Le défaut de l’individualisme méthodologique, poussé jusqu’à son extrémité par Rand, est qu’il réduit la « société » à un simple agrégat, limitant de fait l’agent à sa dimension « économique ». En conservant l’idée d’un agent intéressé et rationnel, on arrive rapidement à la fiction de l’état de nature chez Hobbes, dans laquelle chacun, parce qu’il anticipe rationnellement le risque que représente individuellement chaque autre agent, adopte un comportement rationnel pour se couvrir du risque, c’est-à-dire part en guerre contre tous les autres :
 
L’égalité des aptitudes engendre l’égalité dans l’espérance que nous avons de parvenir à nos fins. Et donc, si deux humains désirent la même chose, dont ils ne peuvent cependant jouir l’un et l’autre, ils deviennent ennemis et, pour parvenir à leur fin (qui est principalement leur propre conservation et parfois seulement leur jouissance), ils s’efforcent de s’éliminer ou de s’assujettir l’un l’autre. C’est pour cela que, si un attaquant n’a rien d’autre à craindre que la puissance individuelle d’un autre homme, si l’un plante, sème, bâtit ou possède un lieu qui lui convient, il est probable que d’autres peuvent surgir, ayant uni leurs forces, pour le déposséder et le priver non seulement des fruits de son travail, mais aussi de sa vie et de sa liberté. Et, à son tour, l’attaquant sera confronté au même danger de la part d’un autre.18
 
Hobbes envisage ici deux problèmes qui occupent une grande place dans la pensée économique moderne et contemporaine : le problème de l’allocation des ressources rares à des fins alternatives, compris dans la proposition « si deux humains veulent la même chose, dont ils ne peuvent cependant jouir l’un et l’autre », le problème des anticipations des agents, sous la forme de la crainte d’être attaqué.
En termes modernes, l’agent anticipe, dans la fiction de l’état de nature, la possibilité d’une attaque de la part de chaque autre individu, tout en anticipant en même temps la réussite de l’attaque, menée selon un procédé rationnel (le faible tuant le fort au moment où le sommeil de ce dernier le dépossède de ses moyens de défense, par exemple), chaque agent est amené, rationnellement, à attaquer le premier. Ces anticipations sont rationnelles au sens où le raisonnement sur lequel elles se fondent est rationnel, mais elles sont d’autant plus problématiques que c’est parce que chaque agent anticipe la possibilité d’une attaque que chacun s’efforce d’attaquer le premier. Le raisonnement rationnel induit ici un effet pervers, en accroissant la probabilité d’une guerre de chacun contre chacun, ou de tous contre tous. La croyance que se forme chaque agent qu’il va subir une attaque pousse chacun à confirmer cette croyance chez les autres. Hobbes, qui se sert de la fiction de l’état de nature comme modèle explicatif de la formation de l’État comme unité politique, ne formule pas ce raisonnement ; il n’en est pas moins possible de formuler, à partir de la fiction de l’état de nature, l’idée qu’une croyance rationnelle peut se voir confirmée dès lors que chacun fonde son action sur elle. Nous verrons dans la suite combien ce schéma de confirmation d’une croyance collective par la conformation de l’action à la croyance est pertinent dans l’analyse économique, au croisement du comportement rationnel et du comportement intéressé.
La fiction de l’état de nature n’est toutefois pas directement transposable au marché. S’il est possible, en effet, d’imaginer le marché comme un système « guerrier », il est aussi possible de le présenter comme un mode de régulation des conflits et d’harmonie sociale, ainsi que le font Smith et Hayek. C’est que le marché n’est pas un lieu de conflit, mais d’échange, et de fait un lieu de formation de la société, non pas comme petite société dont chaque membre connaît tous les autres, mais comme « Grande Société » d’interdépendances anonymes, régulée involontairement par la « main invisible » chez Smith, par le « jeu de catallaxie » chez Hayek. En ce sens, l’individu n’est pas « atomique », comme on pourrait le penser d’après la fiction de l’état de nature proposée par Hobbes, mais son existence comme individu est rendue possible par son intégration au sein du « jeu de catallaxie », comme membre autonome de la « Grande Société ». Son comportement n’est pas alors conditionné uniquement ni par son intérêt, ni par la condition de rationalité, ce qui nous permet de mettre en perspective critique la théorie « standard » de l’agent, ce qui n’implique pas de l’abandonner complètement, mais nous amène à reconsidérer la façon dont le comportement de l’agent est conditionné.

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Notes
1 Les références bibliographiques complètes sont indiquées dans la bibliographie.
2 Voir en particulier Hayek, Droit, législation et liberté, deuxième partie, chap. 10, section « En jugeant les adaptations à des situations changées, la comparaison entre la position nouvelle et l’ancienne sont sans valeur ».
3 Voir notamment Sen, « Quelle égalité ? », in Éthique et économie.
4 Voir en particulier Hayek, Droit, législation et liberté, deuxième partie, chap. 10, section « Le jeu de catallaxie ».
5 Deux volumes : Elster, I. Le désintéressement, II. L’irrationalité.
6 Smith, Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, livre I, chap. II.
7 Smith emploie he, en référence à ce qui précède le passage cité (« chaque individu »). Je traduis par « agent », bien que Smith n’emploie pas ce terme, pour des raisons de commodité.
8 Smith, Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, livre IV, chap. II. Je traduis « really » par « réellement », mais le terme englobe, dans ce passage, « explicitement » et « volontairement ».
9 Kant, Fondements de la Métaphysique des mœurs, première section.
10 Mandeville, La Fable des Abeilles, vol. 1, Préface. Je modifie la traduction en un point, en traduisant « according to the World » par « si l’on en croit l’opinion générale », plus conforme à l’esprit du texte que « selon le monde », retenu pour la traduction d’origine.
11 Hayek, Droit, législation et liberté, deuxième partie, chap. 10, section « Bien que n’étant pas une unité économique, la Grande Société est principalement soudée par ce qu’on appelle communément les relations économiques ».
12 Hayek, Droit, législation et liberté, deuxième partie, chap. 7, section « Importance des règles abstraites comme guides dans un monde où la plupart des faits précis sont inconnus ».
13 Hayek, Droit, législation et liberté, troisième partie, chap. 15, section « Concurrence et rationalité ».
14 Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, deuxième partie, chap. VII « Le processus de destruction créatrice ».
15 Smith, Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, livre V, chap. I, section g.
16 Kant, Fondements de la Métaphysique des mœurs, deuxième section.
17 Rand, « L’éthique objectiviste », in La Vertu d’égoïsme.
18 Hobbes, Léviathan, première partie, chap. 13 « De la condition du genre humain à l’état de nature, concernant sa félicité et sa misère », section « L’égalité engendre la défiance ».