Jeudi 24 juin 2010 à 22:53

http://farm3.static.flickr.com/2482/3967666220_76c252da3e.jpgEn juin 2009, les Iraniens votaient pour leur « nouveau » président. L’élection, dont on peut à bon droit soupçonner qu’elle fut largement entachée de fraudes, fut suivie de manifestations massives, menées et soutenues, entre autres, par le « mouvement vert », et par des personnalités telles que MM. Moussavi, Karoubi, Khatami, ou Mme Ebadi, avocate et prix Nobel de la paix, qui plaident, à des degrés divers, pour une plus grande ouverture démocratique et sociale de l’Iran. La répression sanglante qui s’en est suivie – emprisonnements arbitraires, tortures, musèlement de la presse, censure de réseaux sociaux tels que Twitter, blocage des communications – a soulevé une légitime indignation dans le monde entier.

Toutefois, les défenseurs de la démocratie et des libertés civiles ne doivent pas perdre espoir. Plusieurs signes importants montrent que, quoi que fassent les dirigeants iraniens, et quelques brutalités qu’ils commettent à l’encontre du peuple iranien, les jours de la dictature sont comptés. Plus précisément : les conditions de maintien à moyen terme de la dictature ne sont plus réunies, et les conditions de l’établissement d’une véritable démocratie s’accumulent. Cela ne rend pas moins inacceptables les violations répétées des droits humains, les procès montés de toutes pièces, la répression meurtrière des manifestations ou les probables fraudes électorales, mais ces atrocités ne doivent pas nous interdire de garder la tête froide.

Je me fonderai largement, dans cette analyse, sur les données fournies par le CIA World Factbook, en particulier la page consacrée à l’Iran.

Une natalité faible
Le nombre d’enfants par femme est un signe important des mutations qui frappent une société. Une forte natalité est la marque d’un contrôle faible, voire inexistant, des naissances (principalement par l’absence de contraception), et est systématiquement corrélée à un niveau d’éducation réduit, à l’ignorance des méthodes contraceptives, et à un taux d’activité des femmes lui aussi réduit, du simple fait qu’une femme qui fait beaucoup d’enfants ne peut d’ordinaire pas être « active » en même temps. Une forte natalité est aussi corrélée à un taux de mortalité infantile élevé, qui limite la croissance de la population au regard du nombre de naissances. À titre d’exemple, la natalité au Burkina Faso (Afrique occidentale), l’un des pays les plus pauvres de la planète, est de 6,21 enfants par femme, tandis que l’« espérance de vie scolaire » (school life expectancy), le temps passé sur les bancs de l’école, jusqu’à l’enseignement supérieur (voir plus bas), est de 5 ans, le taux d’alphabétisation de 21,8%, et que la mortalité infantile atteint 82,98 ‰ (3,31 ‰ en France : la différence est colossale) – les données sont tirées de la page Burkina Faso du CIA World Factbook ainsi que de la comparaison internationale du taux de mortalité infantile (Country comparison :: Infant mortality rate).

À l’inverse, la natalité en Iran est faible, à 1,7 enfants par femme, en-dessous du seuil de renouvellement des générations, proche de 2,05 enfants par femme (du fait du ratio garçons/filles à la naissance, 1,05 garçons pour une fille), tandis que la mortalité infantile demeure relativement élevée, à 34,66 ‰, signe que les hôpitaux et maternités iraniens sont d’une qualité insuffisante et pas suffisamment nombreux au regard de la population. Le niveau d’éducation, ainsi que l’on va le voir dans la suite, est en revanche relativement élevé, et la population iranienne est de plus en plus largement alphabétisée, avant tout les jeunes iraniens, plus largement alphabétisés que les générations précédentes, et qui seront dans quelques années les « forces vives » de la nation iranienne.

Une population jeune et de plus en plus éduquée
L’âge médian des Iraniens est de 27,6 ans : cela signifie que 50% des Iraniens, en 2010, ont moins de 28 ans. Dans le même temps, 73,2% de la population a entre 15 et 64 ans. Ces données n’ont rien d’anecdotique, puisqu’elles mettent en lumière la jeunesse de la population iranienne, et un ratio actifs/retraités qui va aller croissant au bénéfice des actifs durant les prochaines décennies. Qui plus est, l’« espérance de vie scolaire » est relativement élevée, 13 ans. À titre de comparaison (les données sont tirées du Field listing :: School life expectancy du CIA World Factbook), l’« espérance de vie scolaire » est de 15 ans en Israël, 16 ans en Belgique, en France, en Italie, 17 ans au Canada. Or il existe une forte corrélation entre le niveau d’éducation d’une population et sa volonté d’avancement démocratique et de respect des libertés civiles – ces libertés régulièrement bafouées par le régime iranien actuel.

De fait, la population iranienne réclame, depuis plusieurs années, une ouverture démocratique qui lui est toujours refusée par le régime de MM. Khamenei et Ahmadinejad, qui se trouvent forcés, pour maintenir leur emprise sur le pays, d’user de méthodes particulièrement violentes, injustes et révoltantes. Mais ces méthodes, on le sait, ont déjà été mises en échec durant le XXe siècle, notamment en URSS – la répression sanglante du « Printemps de Prague », l’enfermement de l’Allemagne de l’est derrière le « rideau de fer » et le mur de Berlin n’ont pas empêché les anciens satellites soviétiques d’accéder, entre 1989 et 1991, à la liberté et à la démocratie (à quel prix, me direz-vous : la libéralisation « sauvage » de l’économie russe fit, il est vrai, d’affreux dégâts, mais enfin la Russie est aujourd’hui, indéniablement, un pays plus libre que sous Staline ou Brejnev). L’orientation répressive et violente du régime iranien est, de fait, vouée à l’échec à plus ou moins court terme – peut-être pas plus d’une décennie : c’est long, certes, mais très clairement inéluctable.

Une économie en pleine croissance mais des inégalités persistantes
Au-delà de l’approche proprement sociétale de l’Iran, il serait nuisible de négliger une approche économique. De fait, il existe une corrélation entre le niveau d’ouverture économique d’un pays et son niveau d’ouverture sociale et démocratique. Une telle corrélation doit toutefois être pondérée par les inégalités sociales, qui réduisent clairement l’ouverture de la société – plus la société est inégalitaire, et plus les relations sociales sont tendues, ce qui nuit, dans l’ensemble, à la paix civile et à la démocratie, mais peut aussi pousser la population à exiger à la fois plus d’égalité (économique, mais aussi judiciaire) et plus de liberté (qu’il s’agisse de liberté d’opinion, de liberté de la presse, ou de liberté d’entreprise, qui sont corrélées, dans leur négation comme dans leur affirmation).

Toujours en exploitant les données sur l’Iran fournies par le CIA World Factbook, voici ce que l’on peut dire, sans entrer dans le détail, de l’économie iranienne et de sa corrélation avec l’ouverture démocratique à venir de l’Iran. En premier lieu, il convient de remarquer que l’Iran, du fait notamment de ses exportations pétrolières, s’enrichit : les exportations sont largement supérieures en valeur aux importations, ce qui génère une balance commerciale positive pour l’Iran. Cela n’est pas anecdotique : les sociétés les plus ouvertes sont les sociétés les plus riches – ainsi la France, malgré une balance commerciale déficitaire, ou les États-Unis. Dès lors que l’Iran s’enrichit, la population iranienne, qui s’enrichit à son tour, et bénéficie de fait de meilleures conditions économiques – ce qui, au passage, permet un allongement de l’« espérance de vie scolaire » que nous évoquions plus haut, du fait que les citoyens ont alors les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école, puis, pour une part de plus en plus large (bien que toujours minoritaire) de la population, dans l’enseignement supérieur –, la population iranienne, donc, réclame une plus grande ouverture sur le monde, ce qui implique une avancée des libertés civiles et une ouverture démocratique.

Ce signe d’espoir est toutefois à relativiser : le niveau d’inégalité sociale demeure élevé en Iran, avec un coefficient de Gini (qui mesure le niveau d’inégalité par une différence d’intégrales convertie en pourcentage à partir de la courbe de Lorenz, voir la définition dans le dictionnaire d’Alternatives Économiques) de 0,445 – à titre de comparaison, le coefficient de Gini pour la France en 2008 était de 0,327 selon le CIA World Factbook, et aux États-Unis, société hautement inégalitaire, il atteignait 0,45.

Il n’empêche : nous avons, dans l’ensemble, de bonnes raisons de penser que l’Iran, dans les années qui viennent, va connaître d’importantes mutations ; et les Iraniens ont, eux aussi, de bonnes raisons de le penser, et de travailler dans ce sens, en vue de mettre fin au régime autoritaire, si ce n’est dictatorial, qui les broie depuis de trop nombreuses années. Le désespoir n’est plus de mise : la répression policière et militaire massive est aussi le signe d’un régime sur la défensive, qui n’a plus d’autres moyens de se préserver que de tirer sur son propre peuple et de jouer les matamores nucléaro-militaristes. Ces moyens courent vers l’épuisement ; il nous reste à espérer que le peuple iranien ne remplacera pas une dictature par une autre. Faisons confiance aux Iraniens, et souhaitons-leur qu’aucun tyran en herbe ne s’empare du pouvoir après MM. Khamenei et Ahmadinejad.

Photo : « Iran’s Green Hope » par
sam_alcaphone ~V~, Flickr
Par Ehfull le Jeudi 24 juin 2010 à 23:57
Int... Afficher davantageéressant !
Pour la triche électorale, elle est pratiquement certaine, photos d'urnes pleines planquées dans une bibliothèque, bulletins pas pliés lors de certains décomptes alors que c'est obligatoire pour qu'ils rentrent dans l'urne et surtout les villes les plus "rebelles" qui ont eu des scores officielles impossibles, tel que 0% ou presque de vote pour les parties réformateurs. 'Fin de la triche subtile quoi.

Après faut voir que Ahmadinejad est un fou qui se prend pour le 13° Imam, et qui est capable, lui et sa clique, de sortir n'importe quelle justification religieuse pour tout et n'importe quoi. (Genre, dans le facile, "on a le droit de tricher, parce que c'est Allah qui le veut, les autres sont des sionistes.")

Niveau économique, faut voir qu'en plus la classe dominante alliée au pouvoir s'accapare des pans entiers de l'économie iranienne. (Et oui, faut bien faire des cadeaux aux bassidji pour qu'ils effectuent correctement la répression.)

D'ailleurs, les héros de la guerre Iran/Irak, appelés martyrs et glorifiés par le régime de Khomeini ont le plus souvent lâché les bonhommes en question et pour les plus dangeureux, ils ont été assigné à résidence.
Par dissertation in business le Vendredi 27 avril 2012 à 9:29
that was really excellent photography , i never see before .
before i say some thing i really want to tell you some thing about your photography , that is you have really deep analysis in see things and chose things to shoot???? rite . well this picture makes me your biggest fan..
regards ...
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://planete.cowblog.fr/trackback/3012055

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast